Les lueurs :

Durant le froid de la saison d’hiver, Théo de Silverberg s’était rendu dans une église de la lumière non loin de leur destination. Une petite église avec deux ou trois fidèles. Des femmes essentiellement, restées dans ces lieux afin de servir de guides aux âmes égarées. De pouvoir répandre la parole et de donner refuge à ceux dans le besoin. Mais en cette journée de Noël, personne ne semblait avoir besoin de l’église de la lumière, permettant aux femmes de pouvoir se reposer et profiter d’un moment de calme. Il avait choisi de cacher son armure sous une longue cape, afin de se réchauffer dans cette saison froide.

Quand il était entré dans l’église, froide, calme, silencieuse et majestueuse, immédiatement, comme lui ont appris ses enseignements, le paladin s'était mit à genoux, avant de se rendre vers un banc et de prier. Pour remercier son Dieu de la lumière de l’aider au quotidien. D'assurer sa protection. De protéger ses proches et ses alliés. Mais également, de permettre que la justice règne sur cette terre.

La porte s’ouvrit de nouveau quand Théo priait pieusement. Le paladin n’entendit pas la nouvelle personne répéter les mêmes gestes que lui, avant de se rendre au banc sur son côté droit. Le silence planait pendant quelques minutes, laissant les deux personnes se concentrer. Théo n’ayant pas désiré d’interrompre sa prière pour la curiosité de voir l’identité de cette personne.

Il fallut quelques minutes, pour que le paladin finisse sa prière, se levant, se préparant à aller chercher une idée de présent à offrir à ses compagnons. Seulement, une fois levé, Théo put remarquer que la présence qu’il avait senti, n’était autre que celle de son maître d’arme, précepteur et celui qui l’a élevé une fois devenu orphelin. Viktor Oppenheimer. Son visage blêmit, pourtant, étant dans l’église de la lumière, le paladin ne dit rien. Il se dirigea vers la sortie, avant d’entendre l’homme se lever et s’exprimer :

« Cela faisait longtemps Théo. »

Théo ne put s’empêcher de se retourner vers son ancien précepteur.

« Quelques années en effet, Viktor. Est-ce que vous me suivez ? »

Avec une voix douce et calme, contrastant avec son imposante carrure, Viktor se leva pour rejoindre le paladin.

« Non, pourquoi le ferais-je ? Tu es assez grand pour choisir ta vie. Même si j’espère que tu as respecté le testament de ton père. »

À cette provocation, Théo ne répondit pas. Il n’avait nullement envie d’avoir Viktor sur son dos et surtout pas de devoir le confronter aujourd’hui, alors que ses amis l’attendaient.

« Je suis heureux de te revoir. Tu as l’air en pleine forme. » reprit Viktor en s’approchant de Théo pour lui caresser les cheveux.

Mais le paladin ne lui en laissa pas le temps. Se reculant légèrement pour l’observer droit dans les yeux.

« Pourquoi êtes-vous ici ? »

« J’ai une mission à remplir pour aider des marchands dans la ville. Je dois les accompagner pour les ramener dans différentes destinations avec l’aide de mercenaires afin de m’assurer que les fêtes se passent bien. Et toi ? »

« Je… Je suis avec une équipe d’aventuriers. Nous cherchons quelques quêtes. »

« Je vois. » finit Viktor en passant aux côtés de Théo sans le regarder.

Le paladin sentit comme un vent froid entre eux. Théo essayait par tous les moyens de ne pas indiquer plus d’informations sur ces camarades. Grunlek et Shinddha n’auraient pas été en danger avec cet homme. Mais Théo en était moins sûr pour B.O.B.

Un demi-diable et un paladin, dans une même équipe d’aventuriers. C’était fortement difficile à croire. Pourtant Théo avait vu dans les yeux de ce pyromage que tout n’était pas si mauvais. Et que les apprentissages de l’église de la lumière, pouvaient parfois être trop sévères sur les personnes qui n’ont pas choisi leur race de naissance.

« Je serai à l’auberge de la nuit étoilée, si tu me cherches pour fêter Noël. » finit Viktor en quittant l’église, laissant Théo silencieux. Ne comprenant pas pourquoi cet homme, ce précepteur, celui qui l’a guidé dans sa vie, n’a pas cherché à en savoir plus sur ceux qui l’accompagne. Théo haussa les épaules et se mit en marche dans la forêt. Il avait passé plusieurs heures pour se rendre dans cette petite église afin de pouvoir prier. Un long périple, permettant aux plus fidèles serviteurs de montrer leur foi.

Pourtant, dans la tête du paladin, ce n’était pas la foi qui se remettait en question. Mais bien, le cadeau qu’il allait offrir à ses compagnons. Théo se doutait que Grunlek préparerait un festin de roi, grâce à son talent culinaire. Shinddha s’occuperait peut-être des sculptures de glace qu’il aime tellement. B.O.B étant citadin, trouverait sans aucun doute une idée en ville et saura la subjuguer pour les épater. Mais lui, qu’avait-il d’intéressant à leur offrir ?

Il n’était ni cuisinier, ni artisan, et n’avait pas non plus de capacités sociales hors du commun.

Il connaissait certes quelques chants. Seulement des religieux. Et cela aurait pu casser les oreilles du pauvre B.O.B qui en subirait des conséquences.

Tandis qu’il marchait, des vieux souvenirs lui revinrent en tête. Surtout l’un d’entre eux, lui rappelant l’époque où il avait perdu son père, où il était devenu orphelin. Théo était élevé par Viktor avec qui il passait son premier Noël sans son père. Il se souvenait que pour le faire sourire, le géant l’avait porté sur ses épaules, l’emmenant dans un lieu sombre.

Viktor lui avait demandé de regarder vers le ciel noir et nuageux. Aucune étoile n’était à l’horizon. L’homme prononça quelques paroles, avant que des sortes de flocons lumineux ne tombent du ciel. À première vue, n’importe qui aurait cru que c’était de la neige, mais une fois arrivé dans les mains du petit Théo, le flocon était uniquement composé de lumière. Une lumière chaude et douce. Chaleureuse et apaisante. Ces flocons créés à partir de la magie de la lumière n’étaient qu’une douce illusion destinée à apaiser les personnes aux alentours.

Théo se rappelait de cette formule qu’il avait prononcée avec Viktor pour faire tomber chaque année ces flocons de lumière. Alors qu’il arrive au dit campement, Théo retrouve ses amis. Ensemble ils partagent un excellent repas préparé par Grunlek, les magnifiques sculptures de Shinddha et les présents acheté en ville de B.O.B.

« Et toi Théo, qu’est-ce que tu as ramené ? Dis ! Dis ! Dis ! » s’impatiente B.O.B comme un gamin rêvant du père Golem.

Les regards de ses compagnons se tournent vers le paladin qui leur fit signe de le suivre. Un peu plus loin dans la forêt, où le feu n’était plus présent. Où les ténèbres planaient dans les arbres. Où B.O.B grelottait en se maudissant d’avoir posé cette question.

Puis, avec une voix douce et mélodieuse, Théo prononce les paroles que lui a enseignées Viktor. Les trois amis regardent vers le ciel, en voyant arriver des flocons de lumières. Au début, le pyromage pestait en se disant qu’il allait avoir davantage froid. Mais quand les flocons arrivèrent à proximité, il sentit une étrange sensation de bien-être, d’apaisement et de réconfort.

Tous sont sous le charme de ce spectacle qui se diffuse sur l’ensemble de la forêt et de la ville, mais qui a plus d’intérêt là où l’obscurité est la plus forte, permettant de profiter de cette magnifique expérience.

Tout en regardant les flocons tomber du ciel, Théo se promit d’aller rendre visite à Viktor, tout en continuant de cacher ses secrets. Mais juste pour passer un peu de temps avec cet homme qui a partagé sa vie.

Depuis l’auberge, Viktor pu apercevoir le spectacle donné par Théo, souriant en se remémorant des temps passés avec son protégé.

Fin.